Publication dans Science Translational Medicine

Découverte d'un nouveau gène impliqué dans le lymphœdème primaire

L'identification des causes génétiques est cruciale pour une meilleure gestion de la maladie



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Le laboratoire de Génétique Humaine de l'Institut de Duve (UCLouvain), dirigé par le professeur Miikka Vikkula, investigateur WELBIO, a identifié un nouveau gène responsable d'une maladie lymphatique appelée lymphœdème primaire. En collaboration avec le groupe du professeur Kari Alitalo en Finlande, ils ont identifié des mutations qui altèrent la fonction d'une protéine connue pour jouer un rôle dans la vascularisation. Ils ont également découvert comment ces mutations entraînent la perte de la fonction normale de la protéine. Cette découverte importante, publiée dans Science Translational Medicine, est essentielle pour le bon diagnostic des patients souffrant de lymphœdème primaire et ouvre une nouvelle voie pour le développement de traitements.

Le lymphœdème est une maladie chronique fortement invalidante résultant d'un développement ou d'une fonction anormale du système lymphatique. La lymphe n'est pas drainée des tissus interstitiels, mais s'accumule, le plus souvent dans les jambes ou les bras, provoquant un gonflement, une fibrose, une prédisposition aux infections secondaires et une mobilité limitée de la partie du corps touchée. Le lymphœdème peut être soit primaire, lorsqu'il n'y a pas de cause sous-jacente connue, soit secondaire, lorsqu'il résulte de vaisseaux lymphatiques retirés ou endommagés, par ex. après une intervention chirurgicale, une infection ou un traitement contre le cancer. Le lymphœdème primaire est parfois héréditaire.

L'équipe du chercheur WELBIO Miikka Vikkula dispose d'un vaste réseau international de collaborateurs, dont le Centre des Anomalies Vasculaires et le Centre de Génétique Médicale des Cliniques Saint-Luc de Bruxelles. Ensemble, ils ont collecté des échantillons de près de 900 patients (et de membres de leur famille) souffrant de lymphœdème primaire. En utilisant le séquençage de l'exome entier (c'est-à-dire le séquençage de toutes les parties codantes des gènes de notre génome), l'équipe a pu découvrir des mutations dans un gène appelé ANGPT2 dans cinq familles avec survenue d'un lymphœdème.

ANGPT2 code pour la molécule d'angiopoïétine 2, un ligand du récepteur TIE2. Il a déjà été démontré qu’Angpt2 influence le développement lymphatique chez la souris, mais c'est la première fois qu’il est montré que des mutations de ce gène provoquent une maladie chez l'être humain. Parmi les mutations identifiées, l'une supprime une copie du gène entier, tandis que les quatre autres sont des substitutions d'acides aminés dans des positions bien conservées. Pour caractériser l'impact de ces changements sur la fonction d'ANGPT2, les collaborateurs finlandais (groupe du Pr K. Alitalo - un membre étranger de l'Académie royale de médecine de Belgique) ont produit et analysé en détail les protéines mutantes. Ils ont pu montrer que trois des mutants ne sont pas correctement sécrétés, entravant même partiellement la sécrétion de la protéine produite à partir de l'allèle normal restant et ayant ainsi un effet dit dominant négatif. Le quatrième est hyperactif, induisant une prolifération accrue de vaisseaux lymphatiques dilatés dans un modèle d'oreille de souris. Ce mutant a démontré plus spécifiquement une liaison d'intégrine modifiée. Qu'elles induisent le développement de trop peu ou trop de vaisseaux lymphatiques, ces mutations entraînent un lymphœdème primaire chez les patients.

En Europe, plus d'un million de personnes sont atteintes de lymphœdème. La thérapie est limitée à un drainage lymphatique manuel répété et à l'utilisation de vêtements compressifs. Dans certains cas, la chirurgie peut être utile. Aucun remède n'existe et seulement dans une minorité de cas, il se résout ou s'améliore avec le temps.

L'équipe de l'Institut de Duve a précédemment identifié plusieurs gènes pathogènes pour le lymphœdème primaire et a démontré que les mutations peuvent être dominantes, récessives ou même de novo. Certains provoquent un dysfonctionnement lymphatique fœtal beaucoup plus large (hydrops foetalis) ou un syndrome, élargissant les indications des tests diagnostiques. Pour de nombreux patients cependant, la cause de la maladie est encore inconnue. Jusqu'à présent, 28 gènes se sont avérés être à l'origine d'un lymphœdème primaire et/ou prédisposer à la forme secondaire, mais ceux-ci ne sont présents que chez moins d'un tiers des patients, chaque gène expliquant un pourcentage défini de cas. L'identification des causes génétiques est cruciale pour une meilleure gestion de la maladie. Elle permet un diagnostic plus précis et plus fiable, là où aujourd'hui de nombreuses personnes atteintes de la maladie ne sont toujours pas diagnostiquées. Cela permet également de mieux comprendre les mécanismes cellulaires sous-jacents, qui peuvent être des cibles pour le développement de nouvelles thérapies.

Source : Institut de Duve
Illustration : Pr. L. Boon, UC Louvain
Références de l’article : Leppänen and Brouillard et al, Science Translational Medicine 2020

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