Publication dans Nature Communications

Déchiffrage des mutations de la calréticuline qui induisent le cancer du sang



Depuis 2000, l’équipe de recherche de Stefan Constantinescu cartographie les bases moléculaires des néoplasmes myéloprolifératifs, un groupe de cancers du sang associés à des complications telles que des thromboses qui évoluent vers des leucémies et qui deviennent plus fréquents avec l’âge.

En 2005 et 2006, l’équipe participe à la découverte de deux mutations qui induisent une prolifération excessive des cellules qui produisent les composants du sang. La première concerne une famille de molécules de signalisation cellulaire (JAK), la seconde concerne la protéine TpoR (un récepteur à la thrombopoïétine, une hormone qui stimule la formation de plaquettes sanguines). Ces découvertes ont mis l’industrie pharmaceutique sur la piste du développement de traitements potentiels qui visent à bloquer la protéine JAK2. Malheureusement, la protéine JAK2 est commune à de nombreux récepteurs et son blocage provoque de sérieuses complications, sans permettre la guérison de la maladie.

En 2013, les chercheurs découvrent qu’une mutation dans une autre protéine, la calréticuline, est impliquée dans la majorité des néoplasmes myéloprolifératifs négatifs pour la mutation JAK2. L’équipe de Stefan Constantinescu découvre alors que la calréticuline mutée agit en se liant et activant le TpoR de manière incontrôlée.

Dans un article publié dans Blood (2022), Christian Pecquet et Nicolas Papadopoulos ont collaboré avec les Cliniques universitaires Saint-Luc et Violaine Havelange et mis en avant que la calréticuline mutée est présente dans le sang et active uniquement les cellules porteuses de la mutation. En outre, la protéine est stable dans le sang grâce à la présence d’une autre protéine, le TFRC, qui agit comme un bouclier contre les enzymes qui pourraient la dégrader.

La publication la plus récente (2023), parue dans Nature Communications, apporte la réponse à une question qui intriguait les scientifiques : pourquoi la calréticuline mutée se lie-t-elle au récepteur à la thrombopoïétine et pas à d’autres protéines ? Grâce à la cartographie extrêmement précise qu’il a réussi à établir de la liaison entre la calréticuline mutée et le récepteur TpoR, Nicolas Papadopoulos a pu déterminer l’endroit exact où des petites molécules devraient se placer pour dissocier ou bloquer le complexe, donnant par la même occasion une image du récepteur pour la 1ère fois.

En quoi ces découvertes successives changeront-elles la vie des patients atteints d’un néoplasme myéloprolifératif ? Il faut d’abord rappeler qu’il n’existe pas, actuellement, de médicament pour traiter cette maladie. L’industrie pharmaceutique tente de développer des anticorps qui pourraient se lier à la calréticuline mutée pour bloquer son action pathologique. Difficulté : comme elles sont présentes à la surface des cellules mais aussi dans le plasma, les doses d’anticorps nécessaires seraient importantes, avec le risque d’accroître les effets secondaires. La découverte publiée dans Nature Communications ouvre une nouvelle piste plus précise et prometteuse : tenter de développer une molécule qui casserait la liaison entre la calréticuline mutée et le récepteur.

 

Références :

Source : Communiqué de presse de l’UCLouvain

Photo by National Cancer Institute on Unsplash

Partager cette news